Jamais assez de Lispector
Julie Margat aka Lispector, qui compose sa pop lo-fi à l’abri des regards depuis plus de 20 ans, vient de sortir son 22ème album (et oui) Small Town Graffiti. Nous avons eu la chance de rencontrer l’artiste ultra-prolifique au Point Ephémère à Paris, à l’occasion d’une de ses trop rares apparitions sur scène.
Photos et propos recueillis par Marine Toux
Quels sont les débuts de Lispector ?
Alors ça fait plus de vingt ans que j’enregistre de la musique toute seule, principalement. Je me suis acheté un magneto 4 pistes, et c’est à partir de là que j’ai commencé à enregistrer chez moi, je ne faisais pas de chansons avant. Je jouais un peu pour moi mais si il n’y avait pas eu le 4 pistes je n’aurais peut-être pas eu l’idée. Ensuite j’ai eu un magneto 8 pistes et maintenant je travaille surtout sur l’ordinateur où tu en as autant que tu veux.
C’est toi qui compose tout toute seule ?
Oui c’est moi qui fait tout mais par exemple sur le dernier album j’ai demandé à François (à la batterie) de rejouer en vrai les pistes que j’avais faites – moi je ne fais pas de vraie batterie, je la fais sur l’ordi – et puis j’ai un peu samplé ce qu’il avait fait. J’ai aussi demandé à Charles, qui joue de la basse sur l’instrumentale de fin, de la refaire en vrai.
Depuis combien de temps joues-tu avec un groupe ?
Ça fait quelques années qu’on joue ensemble. A la base c’est François qui m’a proposé de jouer avec eux parce qu’il aimait bien ma musique. Il m’a demandé de venir à Lyon pour faire quelques concerts avec Guillaume (guitare) aussi qui à l’époque était à la basse et moi j’étais au clavier. Et donc maintenant ils sont avec moi sur scène, mais à la base Lispector c’est moi, et eux c’est un peu des touristes (rires).
En voyant tout ton travail, on a l’impression que tu es très libre, tu touches à tout et tu partages toutes tes chansons, ça sort un peu de la manière dont fonctionne l’industrie de la musique, non ?
Oui je fais aussi des vidéos, parce que ça m’amuse, j’aime bien la vidéo. Et puis quand j’ai commencé à faire de la musique, déjà, c’était pas pour faire des concerts. Je me suis jamais dites que j’avais envie de faire de la musique pour être sur scène. Pareil pour les disques.. j’aime bien l’idée d’enregistrer et de le partager directement, sans passer par toutes les étapes de la distribution etc.
Quand as-tu commencé à faire de la scène alors ?
J’en ai fait un petit peu en 2006, mais ça faisait plus de dix ans que je faisais de la musique. J’avais sorti un split album avec un groupe qui s’appelle Maison Neuve – un groupe parisien que je vous conseille – et donc on avait fait quelques concerts à l’occasion. Et puis j’habitais à Paris donc j’avais un peu plus d’opportunités. Donc ça a duré à peu près un an et puis j’ai arrêté jusqu’à ce que François me demande il y a quelques années donc. Mais mon truc c’est pas trop la scène, je suis plutôt du genre à faire la musique dans mon salon (rires).
Est-ce que c’est important pour toi de garder la main sur tout ?
Oui je pense que j’ai un peu de mal à lâcher prise sur ce que je fais. C’est à dire que quand je fais un truc j’aime bien le faire en entier.
En voyant le nom de tes albums “Guide to personal happiness” “Humans problems and how to solve them”, on a l’impression que la musique a un côté un peu thérapeutique pour toi, non ?
Oui clairement ! Enfin au tout début je ai vraiment vu ce projet comme un journal intime. J’ai commencé à chanter en anglais parce que je voulais pas que l’on comprenne ce que je disais, je voulais garder ça que pour moi. J’ai distribué quelques cassettes, mais pas beaucoup.
Es-tu musicienne à temps plein ?
En ce moment oui… mais il faut que je me trouve un vrai métier (rires) Pour moi c’est pas un métier, c’est juste comme ça.
C’est assez secret au final Lispector non ?
Oui, c’est vrai que dans l’industrie musicale aujourd’hui, si y a pas de promo, si y a pas une équipe derrière, ton public reste toujours assez restreint. Après il y a des gens qui me connaissent depuis longtemps, mais ils sont pas nombreux. Et ça me va très bien (rires) !
Tu as vécu à New York, à Brighton, à Paris et maintenant tu es basé à Bordeaux, est-ce que tes changements de location ont eu une influence sur ta musique ?
Pas trop je crois finalement. Enfin forcément j’ai du être influencée par les copains, les gens que je rencontre. Si certains font de la musique aussi ça peut m’influencer, j’imagine. Après c’est pas vraiment une question d’influence, mais plutôt une inspiration je pense, et peu importe la ville en même temps.
« Je ne suis pas une artiste conceptuelle, je fais juste selon l’envie »
Donc tu préfères chanter en anglais ?
Comme je disais, au début c’était pour éviter que l’on me comprenne, mais après j’aimais bien ça aussi. Même effectivement j’avais aucune envie de chanter en français et qu’on me comprenne, ça c’est certain. Et là j’ai fait quelques chansons en français dans le dernier album, mais très peu. D’ailleurs à la base c’est des anglais qui m’ont demandé de chanter et d’écrire en français. Bon, ça ne me plaisait pas trop comme idée, mais finalement je m’y suis mise et j’ai trouvé ça rigolo.
Il y a pas mal de reprises dans tes albums non ?
On m’a dit ça mais en fait j’ai du en faire une dizaine et c’est pas tant au final. Mais on m’en a beaucoup parlé parce que je pense que les gens les aiment bien en fait. Et puis c’est plus facile d’écouter une reprise aussi, parce qu’au final on la connaît, par exemple j’ai fait une reprise de Springsteen et de Seabird (des Alessi Brothers), avec leur clip à eux en plus.
C’est vrai que la première fois que j’ai entendu Seabird ça m’a un peu fait un choc !
Ah tu la connais ? C’est marrant parce qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui la connaisse en fait. Enfin en Angleterre plus, la dernière fois que je suis allé à Brighton je l’ai entendu dans un magasin de cartes postales. Mais j’adorais cette chanson et justement je la trouvais très peu connue, je la faisais écouter à des copains etc. Et puis j’ai découvert le clip qu’ils ont fait pour une émission de télé, je l’ai trouvé super et je me suis dite que ça faisait génial de la reprendre.
Ça se passe souvent comme ça dans ce que je fais, je ne suis pas une artiste conceptuelle, je fais juste selon l’envie. Et puis c’est moi qui choisie, personne ne me dit ce qu’il serait mieux que je fasse.
Comment tu as commencé la musique ?
J’ai pris des cours de piano quand j’étais petite, j’ai pas fait le Conservatoire non plus mais j’ai commencé assez tôt. J’avais fait une année de 7 à 8 ans, puis j’ai repris entre 10 et 15 ans. J’aimais bien le piano mais j’avais pas tellement le droit d’en jouer chez moi. A l’époque il n’y avait pas Internet, donc il n’y avait qu’une seule télévision et mon grand frère n’aimait pas que je joue, parce que le problème c’est que le piano ça fait beaucoup de bruit.
Et puis ensuite je me suis achetée une guitare électrique vers 16 ans, je jouais par dessus les groupes que j’aimais bien, je m’imprimais les paroles etc.
Par rapport à ta chanson “Astrologie sidérale”, tu crois à l’astrologie ?
Hmm oui j’y crois, mais franchement j’y connais pas grand chose. En fait cette chanson c’est petit hommage à Françoise Hardy qui, elle, est fan d’astrologie. Donc c’est une chanson sur Françoise Hardy, qui pourrait être en train de parler à Jacques Dutronc ou ça pourrait être Jacques Dutronc qui lui parle, ça marche dans les deux sens. C’est une chanteuse que j’aime beaucoup mais, encore une fois, c’est tombé comme ça.
Et donc quelle suite pour Lispector ?
On fait le mieux qu’on peut, on essaye d’être les meilleurs possible. Mais je vais rester la même, continuer à faire ce que je fais.
Lispector a sorti son dernier album “Small town graffiti” sur le label “Teenage Menopause” en Octobre 2019. Nous avons pu rencontré Julie Margat à l’occasion du concert du label au Point Ephémère le 14 janvier dernier, au côté de La Punta Bianca et Ventre de Biche.
Vous pouvez retrouver toute l’ampleur de sa production sur son site lispector.com