La masculinité moderne : Alexis (25 ans) « Verity Journal

La masculinité moderne : Alexis (25 ans)

Illustration : QUS / @qusarts

Apparu dans le n°2 de Verity Journal No.2 dans un panel d’interviews de jeunes hommes français et internationaux.

 

Ci-dessous la retranscription de notre entretien

 

Qu’est ce que c’est d’être un homme pour toi ?

Desproges qui disait qu’une femme c’est un “être humain du sexe non masculin”. Pour moi être un homme c’est ne pas être une femme. Je suis pas forcément dans l’appropriation du genre. Je considère pas qu’il y ait des hommes et des femmes. Je considère que chaque être humain à une part de femme et d’homme en soi.

 

Par contre ma part d’homme, comment je le vis…?  Beaucoup d’avantage et inconvénients. Dans les milieux professionnelles et universitaires, je trouve que les hommes sont mis sur un piédestal et les femmes en réserve. Par contre, en termes de faiblesses, on a une pression énorme, un pouvoir implique une grande responsabilité, une emprise politique importante.

 

Avant, un homme devait être viril, ne devait pas montrer ses sentiments, être quelqu’un de très froid, de très disant, de très calculateur. J’ai grandi à la fin des années 90, début années 2000, c’était déjà moins comme ça même on se posait pas encore toutes les questions d’aujourd’hui. Mais par exemple comme sport, j’ai fait du foot, et j’ai pas fait la danse ni la gym. Je préfère être un homme plutôt que m’auto flageller tous les soirs, de toute façon je n’ai pas choisi. C’est une fierté. Par contre je suis pas toujours très fier. Etre un homme, c’est des attributs physiques. Je suis déjà un homme, j’ai pas besoin de m’identifier par rapport au fait que je suis un homme. 

 

As-tu déjà souffert de ne pas être le stéréotype d’un homme, ou pas assez homme ?

J’ai vécu avec pas mal de souffrances, j’ai grandi déjà avec une image assez déplorable d’un homme. En fait j’ai vécu jusqu’à mes 5 ans avec mes parents, jusqu’à ce qu’ils divorcent. Mon père est une personne toxique et violente. J’avais appris qu’un homme était quelqu’un qui battait sa femme. Mon beau père c’est pareil, j’ai pas eu une image super. Mon père était destructeur vis à vis des autres et de lui même, et mon beau père était plutôt dans l’écrasement et le retrait. Il m’a battu, alors qu’il a pas fait ça avec ses propres enfants. Moi du coup quand j’étais petit, j’étais très “racaille”, très violent, verbalement et physiquement. 

 

Les gens avaient peur de toi?

C’était surtout en primaire. Dès que je suis arrivé au collège je me suis calmé tout de suite.

En primaire j’étais un des leaders de la cour de récré. J’étais respecté, j’avais un caractère assez extrême, pourtant j’étais loin du modèle de virilité, pas grand en taille, etc. Je suis passé de bourreau à victime au collège, je subissais pas mal de harcèlement. 

 

Pourquoi ils étaient méchant avec toi ?

J’étais différent. J’étais pas suffisamment intégré avec les mecs. Par contre avec les filles, j’étais très intégré. Je passais pour la petite princesse à cause de mes goûts en musique.

J’en ai souffert, j’étais devenu le petit confident, le psy des filles. Je me suis vraiment posé la question c’est quoi être un homme à 15 ans.

Aucune fille ne voulait de moi. J’étais le meilleur ami gay. Bon au lycée, je me suis dit, “Cette fois, je vais arrêter d’être le meilleur ami” et je suis devenu le jeune con qui prend la tête, qui parle beaucoup, je me suis construit une image de beau parleur.

 

Tu penses qu’en France, un homme sensible ne peut pas être attirant pour une femme ?

Ça a beaucoup changé. Avant on avait des stéréotypes physiques très marqués. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les filles vont vers les hommes sensibles et qui sont à l’écoute.

Je parle de filles entre 16 et 18 ans, je parle de mes premières expériences. J’ai beaucoup de filles qui m’ont dit “je préfère avoir une experience avec quelqu’un de doux et sensible même si il est pas très beau, avec qui je me sens bien, plutôt de sortir avec un gros machiste qui pourrait me faire du mal”.

 

Je suis passé de kéké de la cour, à victime du collège, au casse couille du lycée, mes rapports avec les femmes ont changé au cours des années. Puis après le bac, tu mets les compteurs à zéro. T’es majeur. Tu découvres le monde adulte. Tu découvres ta propre image d’homme adulte. Plus on grandit plus on réduit nos critères d’attirance. Je me suis construit mon image d’homme, je considère être quelqu’un qui “apporte un confort, une certaine force psychologique, sans réprimer tous les côtés féminins”. Je suis ni homme ni femme. Ce qui est intéressant, c’est mes rapports avec les autres qui définissent mon image de l’homme.

 

Il y a des femmes qui vont dire que je suis pas un homme, que j’ai un comportement pas normal. On m’a dit que j’étais sexiste, que j’avais un comportement hétéro, blanc. J’arrive pas à savoir en vrai ce que c’est “être un homme”. On est tiraillé par les images contradictoires. Il y a des femmes qui vont me conforter en tant qu’homme et d’autres qui vont me dire que je suis un harceleur, que je suis un prédateur et un sexiste.

J’ai des amis, qui me disent “T’es un mec, t’es un bonhomme, t’es mon frère”. Mais le terme “hommes” est rarement utilisé entre mecs. Le mot est utilisé par les femmes. Et pour parler d’elles, quand on est soft on dit “les meufs, les gonzesses, les zouz”.

 

Après je connais pas mal de mecs, qui sont parfois potes et c’est difficile à assumer, qui sont très violents dans leurs propos vis à vis de leur propre sexualité.

Du coup c’est marrant parce que je pense à deux potes en particuliers et ils ont pas eu beaucoup d’expériences sexuelles dans leur vie. Du coup ils ont des relents sexiste assez dégueulasse par rapport à leur propre sexualité, qui dénotent une certaine forme de frustration parfois.

 

Parce qu’ils sentent la pression de leurs amis d’avoir à expérimenter des choses.

Mais vrai qu’il y a une pression sexuelle qui peut être assez forte.

 

Parce que j’ai un ami qui m’a dit samedi soir « Mon cousin  voulait utiliser mon appartement pour baiser ». Et je lui ai dis « Comment tu sais que c’est pour baiser ? Est ce que c’est vraiment ce qu’ils disent entre mecs ? « Je veux baiser chez toi, tu peux me laisser tes clés ? »

Oui il y a vraiment des mecs qui disent ça. Et c’est comme il y a des femmes qui disent « Ah j’ai baisé tout le week end » ou « j’ai baisé toute la nuit ». C’est des expressions. Après c’est une forme d’expression genrée aussi. Nous les mecs on dit pas « j’ai baisé toute la nuit » mais plutôt « je l’ai déglinguée toute la nuit ».

 

Pourquoi tous ces verbes ? C’est quoi le but ? Pour montrer aux gens ?

Ce que je voulais dire par rapport aux hommes. C’est qu’il y a une pression sexuelle exercée qui est très forte entre mecs.

 

Par rapport à l’accomplissement sexuel?

C’est ça, nous entre mecs il faut montrer patte blanche vis à vis de sa propre virilité. C’est à dire qu’il faut montrer qu’on est capable d’avoir eu des rapports sexuels avec telle ou telle femme. De raconter ses exploits sexuels. Alors souvent bien sûr on ne peut pas savoir si c’est vrai ou pas, il y a beaucoup de gens qui embellissent les histoires. Moi personnellement j’en parle assez peu parce que moi c’est des sujets de conversations qui ne m’intéresse pas et qui me saoule. Mais c’est vrai qu’il y a une forte pression sexuelle, qui est très très forte. Et souvent moi j’ai remarqué que la plupart des personnes qui sont dans ce discours là, dans ces logiques là, sont des personnes qui n’ont pas très souvent des rapports sexuels et qui n’ont pas eu beaucoup de partenaires en question. Du coup en fait il y a une forme d’auto alimentation du désir sexuel et de l’accomplissement sexuel qui peut paraître être malsaines. Mais c’est vrai que ces hommes sont très en compétition par rapport à la sexualité. la virilité etc.. Par exemple, pour un homme dire qu’il est puceau, dire qu’il est impuissant, dire qu’il est éjaculateur précoce, c’est des blessures narcissiques très fortes. Cela provoque vraiment des cassures au sein même des conversations que l’on peut avoir entre nous. Parce qu’un mec qui dit « oui les gars arrêtez de parler de cul, moi je suis puceau ». On peut être sûr qu’il va passer les 15 minutes les pires de sa vie.

 

J’ai une petite anecdote d’un pote justement. On est parti à Berlin tous les deux, c’était l’année dernière, donc j’avais 24 ans et lui en avait 20. On a rencontré une fille sur Tinder et donc on allait voir cette fille qui était avec une de ses potes et c’était parti en mode plan à deux, chacun prend une fille et voilà. Mais vraiment très sympas les filles, on a passé une super soirée, on a traîné dans trois bars différents, on est allé chez elles et elles ont même ramené des mecs random qu’elles avaient croisés dans un bar puis après elles les ont virés.

Mon pote est en galère totale, il ne savait pas quoi faire. Moi je lui disais  » mais vas-y fonce champion ! ». Mais il n’y avait même pas de séduction, juste cette fille voulait coucher avec mon pote. Il n’y avait pas de séduction, c’était juste « j’ai envie de coucher et basta ». Et du coup, arrive le moment où quand faut y aller, il faut y aller. Moi j’avais essayé de le rassurer un petit peu. Je lui ai dit « t’inquiète ce n’est pas grave, ça va aller, tout ça ». J’ai essayé d’arranger un peu le coup pour les mettre le plus à l’aise possible. J’avais fait un truc trop mignon, j’avais pris la guitare et j’ai commencé à chanter, et ils ont commencé à s’embrasser. Après je suis parti et du coup ils sont restés dans la chambre, tous les deux. Arrive le moment où après s’être embrassés longuement, faut passer aux choses sérieuses. Et forcément mon pote est très stressé, parce qu’il ne l’avait jamais fait donc il ne savait pas trop quoi faire. Et du coup il m’a raconté que la fille en question lui a dit « is it your first time? » et mon pote lui a dit oui. Et à partir de ce moment elle lui a dit « Mais pourquoi t’es sur Tinder en fait? ». Et du coup très rapidement, au bout de 5-10 minutes, on a été dégagé de son appart. Et mon pote était dans un état de rage et d’hystérie totale, en mode « j’en peux plus j’en ai marre ».

 

Donc voilà c’est très compliqué. Pour finir vis à vis des hommes, en gros tu as vraiment les bande de potes, des hommes très hétéro, très virils, qui ont besoin d’exprimer leur masculinité, leur sexualité d’homme. Et de l’autre côté il y a aussi des hommes qui ne se conforment à ça et ça va surtout être la communauté gay. Alors la communauté gay, je connais bien, j’ai pas mal de potes gays, j’ai traîné pas mal de fois dans des soirées, dans des clubs LGBT. Bref, je connais bien ce milieu là. Et c’est vrai que ce n’est pas un problème pour moi, mais c’est plutôt un problème pour eux. Mais je ne peux pas faire une soirée LGBT sans me faire draguer par un gay. C’est radical, je me fais toujours draguer par les homosexuels. Du coup c’est gênant parce que je leur dis que moi je suis hétéro et et a chaque fois ils me disent « mais non, t’es hétéro curieux ou t’es bisexuel ». En plus, ce qui est terrible en France c’est que si t’as déjà embrasser un homme alors t’es gay. Et donc en fait j’ai réussi à comprendre certains comportements homosexuels, qui sont en fait assez similaires à des comportements d’hommes hétéro sur des femmes. C’est à dire qu’ils vont avoir la drague très lourde, ils vont être insistants, je me suis pris des mains au cul un nombre incalculable de fois par des gays. Je me suis déjà fait agressé sexuellement par un gay. Je ne considère pas qu’une main au cul c’est une agression sexuelle, même si c’est le cas, parce que ça m’est arrivé tellement de fois, qu’au bout d’un moment tu passes à autre chose. Au début je me défendais, mais maintenant j’ai arrêté parce que c’est devenu une lassitude. Mais maintenant je traîne beaucoup moins dans ces milieux, parce que je suis arrivé à un point où je me mettais en danger, dans la mesure où je n’étais plus capable de dire non, je n’étais plus capable de m’affirmer, parce qu’il y avait tellement de pressions de leur part. Et donc depuis que je me suis fait agressé sexuellement par un gay, je traine quasiment plus dans ce milieu là.

 

Tu peux comprendre ce que les femmes vivent.

Oui il y avait des comportements que je trouvais assez semblables, assez similaires. C’était très insistant et on sexualisait beaucoup mon corps. En disant que mon corps était très beau, mon cul etc. En plus le physique que j’ai, fait que je correspond un peu beaucoup trop à l’image stéréotype du petit minet de la communauté gay. Ce n’est pas évident. Mais du coup c’est aussi une autre manière de me définir en tant qu’homme. C’est très compliqué. Mais la définition du genre « homme » ce n’est pas quelque chose qui est arrêté, ce qui fait de moi un homme etc.. Parce que cela dépend énormément de mon entourage. Il y a différentes femmes, il y a différents hommes. Chacun a plus ou moins son point de vue et chacun va me complaire en tant qu’homme.

 

Tu penses que tu as des goûts stéréotypés ? Tu t’intéresses à des sujets auxquels des hommes s’intéressent plus ? Tu penses que tu incarnes ça ou pas ?

Sur les sujets de conversation, oui je suis clairement un homme, c’est sûr.

 

Pourquoi ? Les sujets de femmes c’est quoi ?

Si je me souviens bien les sujets de femmes principalement c’est les hommes. C’est les films et les séries et ça peut être le shopping aussi. Et encore les hommes ou la famille aussi. Non, moi je suis très un homme dans la mesure où je parle politique, je parle foot je parle femmes, je parle de cul.

 

Est-ce que le fait d’être dans une relation sérieuse fait que tu perds ta crédibilité du coup dans ton cercle de mecs ?

Je peux réfléchir dans la mesure où je pense que ce qui est compliqué quand tu es en couple. Encore plus quand c’est sérieux parce que le fait d’être en relation sérieuse de couple fait que j’ai beaucoup moins de temps libre pour aller voir mes potes et du coup mes potes me disent « Oh tu nous fais chier avec ta meuf hein. Tu nous vois plus, tu viens plus voir tes potes et tout ». Il y a vraiment ce sentiment d’abandon en disant « mais quitte la, elle nous emmerde, elle nous fait chier », genre c’est de sa faute à elle. C’est pas de la mienne, c’est de sa faute, c’est la femme qui a volé leur pote. C’est pour ça que je dis souvent que la meilleure communauté gay c’est un groupe de potes hétéros. Mais en gros c’est vraiment ça : « Elle nous a piqué notre pote, rendez le nous ».

Il y a un peu cette notion parfois de séquestration, en disant « Elle te séquestre, elle t’empêche de venir nous voir. Ta meuf elle nous aime pas ». Il y a toujours ce côté un peu cassant par rapport à ça. Et c’est vrai que c’est difficilement compréhensible. Mais je te parle de gens, une bande de potes qui sont célibataires donc ça peut être compréhensible. Par contre avec des potes qui sont en couple il n’y a aucun problème. Du coup on parle de couple, il parle de sa copine, je parle de ma copine. Et c’est normal il n’y a pas d’effusions verbales en disant « Oh mon Dieu mon Dieu, elle nous l’a pris »

 

Est-ce qu’il y a un homme que tu admires ?

J’adore Bradley Cooper mais parce qu’il est très beau. Et en plus il parle français Je ne sais pas, j’ai une fascination pour Bradley Cooper. C’est mon côté un peu gay je pense. C’est la première personne qui m’est venu en tête. Pour ce qu’il fait en fait, son engagement un peu militant, écologiste, politique. Ce n’est pas quelqu’un qui la grosse tête, au contraire. C’est quelqu’un qui est plutôt tranquille. Après c’est vrai qu’il correspond parfaitement à l’image de l’homme viril, très beau, charmant, mais très sensible, très humble. Je trouve que c’est un peu l’homme moderne. Bon après je suis sur qu’il y a des féministe qui vont me taper dessus, parce qu’ils vont forcément trouver des choses à redire sur Bradley Cooper que je ne connais pas.

 

Je ne sais pas, de toute façon on parle beaucoup en ce moment de masculinité positive et négative. Et que malheureusement la masculinité positive n’est pas beaucoup montrée du coup les garçons n’ont pas ce modèle là et donc ne savent pas comment être. Mais il y a des façons très positives d’être un homme, qui sont peut être présentes dans d’autres cultures.

Est ce qu’il y a une spiritualité qui te rassure et qui t’aide à gérer tous ces questionnements?

Moi je suis catholique, mais le catholicisme ça veut tout et rien dire. Moi je suis catholique agnostique, je crois en la Bible, au Nouveau Testament, aux écritures de l’évangile, etc.. Je crois en la vie de Jésus. Je m’inspire beaucoup de la spiritualité de la vie de Jésus et de ce qui est écrit dans la Bible. Mais d’un autre côté je suis aussi agnostique dans la mesure où je suis sûr qu’il y a des forces qui dépassent. Et qui un jour ces forces là pourront être expliquées par la science et du coup ce sera plus quelque chose de surnaturel. Par exemple je ne crois pas au paranormal, je suis persuadé qu’il a des phénomènes paranormaux parce qu’il y a des phénomènes qu’on ne peut pas expliquer pour le moment. C’est vraiment ça la définition de l’agnosticisme. C’est le fait de croire en des choses qu’on ne peut toujours pas expliquer. Et le jour où ce sera expliqué, ce sera plus paranormal, ce sera juste normal, ce sera un phénomène connu et reconnu.

 

Ce qui me rassure en fait c’est de connaître ma vérité déjà pour commencer. Ma vérité pour moi. Et pas forcément avoir beaucoup de certitudes mais en tout cas de m’approcher le plus possible de cette vérité là pour gérer cette angoisse existentielle qu’on a tous. Qui nous définit en tant qu’être humain et pas forcément en tant qu’homme ou en tant que femme. Et de l’autre côté ça va être une question de faire en sorte d’aider – enfin c’est un bien grand mot – le plus de monde possible. Dans la mesure où chaque personne avec qui je vais parler, on va construire des choses ensemble. Ca va être autant de petites choses mises bout à bout, qui vont me permettre d’approcher une partie de cette forme de vérité, qui me permet d’aller bien. Et aussi pour ces personnes là, j’aurais aussi un impact dans leur vie. En fait c’est l’enchaînement de toutes les relations qui existent dans le monde qui fait le monde dans lequel on vit. Avec ses bons côtés et ses mauvais côtés. Et tant que le monde ira de l’avant, par exemple sur le plan scientifique, ça me fera du bien. Parce que l’on découvre chaque année de plus en plus de choses, on comprend de plus en plus de choses. Peut être qu’un jour on arrivera à atteindre en tout cas une forme de vérité jusqu’à ce que l’espèce humaine s’effondre.

 

C’est important pour toi de comprendre pourquoi on est là ?

Non, je cherche pas à comprendre pourquoi on est là. Mais plutôt dans quel but on est la ? Parce que finalement, si on est là, on est là, on n’a pas choisi.

 

C’est quoi la vie pour toi ?

La vie c’est tout ce qui n’est pas mort déjà. Parce que la vie est définie par rapport à la mort. Parce que tout début est justifié par sa fin. C’est à dire que la cause de la mort, c’est la vie. La mort c’est la conséquence de la vie. On ne vit pas si on ne meurt pas. Des gens pensent qu’être immortel se serait génial. Moi je pense que si un jour un être humain est immortel, il aura hacké la vie, il aura détruit la vie. Du coup la vie n’existera plus. D’ailleurs ce qui est intéressant c’est que l’immortalité ça n’est pas l’éternité, l’immortalité ça existe mais l’éternité ça n’existe pas, puisque toute chose a une fin. Pour moi la vie c’est la fin d’un début. Tout début une fin et toute fin a un début aussi. C’est un cycle perpétuel de changement. Pour moi la vie c’est ça. C’est vraiment une pensée nihiliste que j’aime beaucoup. Et qui est aussi bien expliquée dans la Bible mais que Nietzsche dit encore mieux. C’est à dire que avant de naître on n’avait aucune connaissance de la vie, avant de naître. Et au moment où on naît, on a pas connaissance de vivre mais on a la connaissance de la mort. Parce que la première fois où on naît, on meurt d’une certaine manière, parce que quand le bébé sort du ventre de sa mère, sa vie qu’il a vécu dans le ventre de sa mère s’arrête et il démarre une nouvelle vie. Et le fait de respirer, qu’il ne faisait pas avant parce qu’il vivait dans un milieu aqueux et qu’il n’avait pas besoin de respirer parce qu’il était relié au courant médical, c’est une souffrance terrible. Le fait de respirer c’est le début de la vie et c’est le début même de l’angoisse de la mort, d’une certaine manière.

 

Donc en fait on n’avait pas connaissance de la vie avant de la connaître et on n’avait pas connaissance de la mort avant même de l’avoir vécu. Et souvent la pensée nihiliste qui fait froid dans le dos c’est qu’au moment ou on va mourir, on n’aura jamais eu connaissance de notre vie. C’est à dire qu’au moment où on va mourir, pour nous la vie n’aura jamais existé. Parce qu’on ne s’en souviendra jamais. C’est vraiment la pensée très nihiliste, dans le cas où il n’y a rien après. C’est pour ça que cette angoisse de la mort, c’est fondement même de notre existence, en tant qu’êtres vivants. Et c’est pour ça qu’il y a beaucoup de croyances, qu’on croit en la réincarnation et en beaucoup de choses, parce qu’on se dit que si je meurs et qu’il n’y a rien après la mort, ma vie n’aura servi à rien. Et le sens de ma vie, il y a en a pas en fait, il n’y a aucun sens à la vie si il n’y a plus rien après.

 

Beaucoup de gens pensent que leur vie contribue à ceux qui restent derrière eux. Donc une personne va travailler toute sa vie pour que ses enfants aient de l’argent. Ou quelqu’un va inventer quelque chose pour que le reste de l’humanité en profite. Ces gens là peuvent trouver un certain soulagement.

Oui, mais ça c’est vraiment une quête individuelle. Les philosophe grecs le disaient beaucoup, c’est la quête de l’immortalité. C’est à dire que une des manières de battre son angoisse existentielle c’est de créer quelque chose et de marquer son nom dans l’Histoire. A chaque fois qu’on parle de personnalités ou de personnes qui sont décédées depuis très longtemps, en fait ils sont encore vivants, parce qu’ils participent encore à l’humanité et à la réflexion humaine. Quand on parle Aristote, Cicéron ou Charlemagne, etc. ces gens là sont encore vivants d’une certaine manière. Parce qu’ils font partie de notre histoire, parce qu’ils ont fait l’Histoire et parce qu’ils continuent à enrichir nos conversations même encore à l’heure actuelle. Effectivement c’est une forme de forme d’immortalité. Mais le jour où l’espèce humaine disparaîtra, tout ça n’aura jamais existé, non plus. Moi je ne crois pas aux extraterrestres qui vont venir sur Terre et qui vont voir les vestiges d’une humanité qui n’existe plus. Je ne crois pas à tout ça.

 

Tu ne crois pas que c’est juste l’expérience de la vie qui doit nous donner notre raison d’être ? Vivre le miracle de ce que c’est de vivre. Il n’y a pas besoin d’avoir plus après, parce que c’était déjà incroyable.

Je ne sais pas, par exemple un truc du genre les dinosaures . Les dinosaures existent toujours. Pourtant ils ont disparu il y a entre 60 et 65 millions d’années mais ils sont encore vivants. Parce que les derniers représentants des dinosaures, c’est les oiseaux. Tous les oiseaux sont des ancêtres directs des dinosaures.Mais la vie elle même évolue. Moi je suis sûr que dans 65 millions d’années, la race humaine n’existera plus, il n’y aura plus d’êtres humains sur Terre. Mais peut être que les descendants, sur des millions d’années de ces êtres humains, vont donner une autre espèce dont on a aucune idée. Par exemple. C’est possible.

 

Dernière question qu’est ce que tu penses du fait que seules les femmes qui portent des enfants peuvent revivre le fait d’être deux personnes en une ? Alors que les hommes ne peuvent pas vivre ça. En fait un homme, à part le moment où il est dans le ventre de sa mère, il va être seul toute sa vie. Est-ce que tu penses que ça fait une différence fondamentale entre un homme et une femme ?

Ça me fait penser à quelque chose dont j’ai parlé avec Laetitia, qui peut peut-être t’aider à répondre à la question. En fait en psychologie, il y a deux choses fondamentales du retour du refoulé, il y a la pulsion de vie et la pulsion de mort. Ce qui est intéressant c’est que les femmes sont capables de donner la vie et pourtant les femmes sont capables d’avoir des pulsions de mort extrêmes. Ca peut être le suicide, ça peut être le meurtre. Les femmes ont des pulsions de mort qui peuvent exister parce qu’ils sont capables de donner la vie. Mais c’est extrêmement rare parce que ce qui est important chez les femmes c’est que ces pulsions de mort, très souvent, se transforment en des pulsions de vie et c’est ce que Freud a appelé l’hystérie.

 

En fait j’expliquais à Laetitia pourquoi chez les psychopathes il y avait quasiment que des hommes et quasiment aucune femme. En gros j’expliquais que les hommes donnent la vie mais ne la créent pas, parce que les femmes créent la vie et les hommes donnent la vie. Ce n’est pas la même chose.

Et du coup les hommes ont ce besoin de créer, de dominer, de contrôler la vie parce que comme ils en sont incapables, ils ont très souvent des pulsions de mort extrêmes. Parce qu’en fait ils ont ce besoin d’être maître de la vie. Je pense que par rapport à ça le fait que les femmes peuvent avoir la capacité de faire des enfants et d’être à deux dans un corps, ça peut provoquer des troubles importants chez les hommes parce que peut être que ces hommes là voudraient savoir ce que ça fait, expérimenter ce que c’est. Et souvent aussi dans l’histoire des sociétés, surtout les sociétés patriarcales etc. c’est toujours l’homme qui a le droit de vie ou de mort sur l’enfant. Alors que l’enfant, c’est quand même avant tout l’enfant de la mère. C’est quand même le fruit de ses entrailles, le fruit de sa vie. Les hommes ont ce besoin de contrôler la vie de l’enfant qu’ils ont donné.

A l’inverse, les femmes ont des pulsions de vie parce qu’elle crée la vie, mais elle ne donne pas. Et comme elle ne donne pas la vie, elles ont des pulsions de vie parce qu’elles ont envie de faire en sorte de pouvoir donner la vie à quelqu’un. Du coup ces pulsions de vie ça peut provoquer certaines formes de ce que Freud appelait l’hystérie. C’est le fait d’avoir des délires hystériques parce qu’on a très très envie de donner la vie sauf qu’on n’est pas capable de le faire, donc on a besoin d’un besoin de quelqu’un. Mais du coup c’est deux choses totalement différentes parce que d’un côté on a les hommes qui vont donner la vie par un acte sexuel, qui en soit est quelque chose d’assez violent. Parce que la pénétration c’est très violent.

 

Dans les sphères spirituelles ils disent que quand un homme vient en toi, il reste en toi pendant sept ans. Tu gardes son énergie et tout, alors que lui ne va jamais vivre ça.

C’est ce que je disais à des potes. Parfois ils disent des choses un peu connes et je leur dit « Fais toi pénétrer au moins une fois et tu comprendras peut être un peu ce que vivent les femmes. » C’est extrêmement violent.

 

Je pense que c’est réduit un peu dans les médias comme quelque chose de normal.

Oui c’est comme une forme d’aboutissement. Parce que la pénétration est un acteur sexuel assez important. Et ce n’est pas que le seul acte sexuel qu’on peut pratiquer, mais c’est vrai que, par exemple chez les catholiques, la pénétration n’a vocation qu’à procréer. Il y a plein de différentes manières de faire l’amour, d’avoir une activité sexuelle ou des rapports sexuels. Mais c’est vrai que la pénétration c’est quelque chose d’assez dur et les femmes prennent énormément sur elle par rapport à ça. Et il y a un déficit de communication entre les femmes et les hommes, parce que du coup encore une fois on est pas sur le même plan. Par exemple chez les animaux, les mâles ils vont aller pénétrer toutes les femmes du troupeau, pour être sûr d’avoir des mômes et surtout pour disséminer tous ses gênes. Par exemple chez les loups, qui est vraiment une espèce que j’adore, il n’y a que le mâle alpha qui a le droit d’avoir une descendance. Tous les autres loups de la meute n’ont pas le droit de se reproduire. C’est interdit. Parce que c’est le mâle alpha qui doit transmettre ses gènes, pour avoir des petits louveteaux qui continueront à faire grandir la meute. Il y a vraiment cette notion de disséminer ses gènes, faire perdurer l’espèce, que l’espèce soit forte et vivante. Les femmes sont juste des outils de reproduction pour la survie de l’espèce.

Et ça c’est une manière de voir les choses qui rendraient fou n’importe quelle féministe, ça c’est clair, n’importe quelle femme tout court. Mais c’est vraiment ça parce que par exemple quand on parle de déficit de ratio sexuel qu’il y a en Inde ou en Chine. En Inde où on franchit quasiment la barre des 55 pour cent d’hommes et 45 pour cent de femmes. Du coup il y a une chute démographique assez importante et surtout il y a une proportion d’hommes célibataires qui est énorme. Quand il y a des catastrophes naturelles et qu’on dit toujours les femmes et les enfants d’abord, c’est parce que c’est eux qui vont pouvoir faire vivre l’espèce. Il suffit d’un homme et de plusieurs femmes pour repeupler la Terre. Mais si vous avez dix hommes et une femme. La terre ne pourra jamais la repeupler parce que très rapidement vous aurez des problèmes de génétiques et de consanguinité etc.

 

Tu penses que les hommes se sentent inutiles ?

Il y a une dimension un peu comme ça, peut être. S’il y a plus de femmes que d’hommes, qu’est ce que ça changerait ? Mais par contre effectivement il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes, ça peut poser un problème en termes de reproduction de l’espèce. Je parle vraiment d’un point de vue scientifique très froid. Par si vous avez beaucoup plus de femmes que d’hommes en termes de survie de l’espèce, ça va. Les femmes n’ont pas forcément besoin des hommes de beaucoup d’hommes pour faire perdurer l’espèce.

Mais de toute façon vu le nombre d’êtres humains qu’on est sur Terre, on n’a pas trop ce problème et cette angoisse de faire perdurer l’espèce. C’est ce qui nous différencie aussi beaucoup par rapport aux animaux.

Du coup le sexe devient un sport, parce qu’on a plus besoin de faire des bébés vraiment, on a juste besoin de soulager les frustrations des hommes, et des femmes aussi.

Ouais il y a un peu des deux. Après de toute de façon on est dans une société de plus en plus frustrée. On n’a jamais parlé autant de cul et on a jamais eu autant de monde. On parle de plus en plus de cul et on baise de moins en moins.

 

Tu penses que c’st quoi qui est a l’origine de cette frustration ? La consommation ?

Peut-être, je pense qu’il y a plein de choses. Entre l’homme qui est addict au porno et qui, soit est un prédateur sexuel ou dangereux pour la société, soit qui est totalement incapable de parler ou discuter avec des femmes. Qu’est ce qu’on a d’autres ? Il y a aussi toutes les questions féministes. Parce qu’il y a quand même deux discours contradictoires, d’un côté on parle beaucoup de cul et on dit que tout le monde d’avoir une sexualité libre. Et de l’autre côté, on a une déconstruction des relations entre les hommes et les femmes. Les hommes ont une pression de plus en plus importante sur leur sexualité, comment se comporter avec les femmes etc.. Les femmes sont plus dans une dimension très érotico romantique mais pas forcément dans la relation sexuelle etc.. Qui fait qu’on a des tensions, on a un double discours, d’un côté on dit qu’il faut baiser parce qu’on est libre et c’est génial. Et de l’autre côté, non tu peux pas baiser parce que sinon t’es un agresseur ou un harceleur. Je grossis le trait énormément mais c’est fait exprès, parce que ça ne représente pas du tout la réalité.

Donc c’est devenu beaucoup plus compliqué, on a besoin d’être dans un climat très safe, d’être très sain. Ce qui d’ailleurs peut créer d’autant plus des situations malsaines. Parce qu’à force de faire l’apologie de milieux « safe » on crée des espaces malsains, parce qu’on crée une uniformisation des comportements. Ca peut être très dangereux parce qu’on finit par ne plus se parler. Plus personne ne couche ensemble parce qu’il y a une incapacité relationnelle, émotionnelle et physique, de parler, de rentrer en contact.

 

Tu peux suggérer comment améliorer tout ça ?

Moi je considère qu’il n’y a pas de genres, je pars du principe que le genre et la théorie du genre c’est une fausse bonne idée. Dans la mesure où on conditionne, on essaie de fragmenter de plus en plus des rapports de positions genrées. Moi je suis plutôt parti d’une vision un peu plus transgenre mais surtout à genrée de la société, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de genre. On est tous des êtres humains, on a des sexes différents, mais on a pas de genres différents. Moi j’ai vraiment une approche biologique et scientifique des questions de genre et pas forcément une approche sociologique ou sociale. Pourtant je suis en sociologie c’est un comble. Je n’ai jamais compris l’intérêt réel des « gender studies ». Après on va me dire c’est parce que je suis catho et que les cathos sont contre les théories de genre. C’est peut être vrai. Moi je n’ai jamais pensé à ça, mais ça peut être le cas je pense. Mais je comprends pas en fait ce que ça va changer dans nos sociétés ? Au contraire c’est la fracture de plus en plus, ça mets gens dans des blocs. Moi je suis vraiment pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Et qu’on arrête de parler du genre. Parce que le genre aussi c’est que les petites filles il faut qu’elles jouent à la poupée et les garçons qui jouent aux voitures. Moi j’ai jamais compris cette idée parce que quand j’étais petit, je jouais aux Polly Pocket, je jouais la poupée ou la dînette, mais je jouais aussi au mécano, Lego, Playmobil. J’ai joué à peu près tout ce qui existe et je ne me suis jamais sentie femme. Quand je jouais à la poupée ou à la dînette, je me sentais parfaitement un homme. Quand je passais l’aspirateur, parce que j’adore passer l’aspirateur, j’étais pas victime d’une forme de féminisation de la pensée. J’ai pas été pris dans ce tumulte. J’ai toujours été moi. Je suis un homme parce que j’ai un pénis entre les jambes et c’est tout. Voilà, ça ne change rien à ma vie. Je m’en fous un peu, j’ai pas une éducation très genrée.

 

Et donc pour améliorer les choses qu’il faudrait qu’il soit capable de s’accepter tout comme on est. D’être capable d’arrêter de dissocier les deux, d’avoir un marketing genré etc.. Mais bon tu changes pas le monde comme ça et de toute façon on aura toujours besoin de certains stéréotypes d’hommes et de femmes. Ne serait-ce que sur le plan psychologiques, on a tous besoin d’avoir des identifications précises, parce qu’à la fin on s’y retrouve plus et c’est le bordel. Mais dans l’anthropologie il y a quand même beaucoup de réponses par rapport à ça, c’est très intéressant. Il y a eu quand même beaucoup de travaux sur des sociétés humaines, sur des tribus qui ont des manières de vivre qui sont à des années lumière de la nôtre. Tellement plus complexe que la nôtre parce que nous on est dans une société qui est extrêmement simple, avec souvent des rapports très binaires. Alors que dans ces sociétés-là, c’est beaucoup plus complexe. Je dis pas que c’est plus sain ou pas mais c’est juste qu’ils se sont construit comme ça et c’est tout. Je trouve qu’à un moment on s’assumer pas assez, on n’est pas suffisamment en phase avec nous-mêmes, puis après c’est aussi un peu une société de victimes. Je ne parle pas des victimes qui sont elles réellement des victimes, qui ont subit des choses atroces et qu’il faut dénoncer. Mais c’est cette société de toujours être dans l’opinion, toujours être dans la surenchère, de toujours dire son point de vue, toujours donner son avis sur tout et n’importe quoi. « Y a mec qui a dit que j’étais belle dans la rue, oh quelle horreur », des trucs comme ça. Moi j’ai jamais été dans la plainte, dans l’instantané, sur Internet et tout. Et c’est vrai qu’Internet c’est un peu dangereux parce que tout le monde dit ce qu’il pense et ça définit rien par rapport aux problèmes de tout un chacun.