BICHE: Hommes doux, agréables à caresser « Verity Journal

BICHE: Hommes doux, agréables à caresser

Pronostics sur l’avenir de l’humanité, rencontre du troisième type et théorie du genre… L’interview du nouveau groupe français de pop psychédélique, à retrouver à la Une du Verity Journal No.2, spécial garçons.

 

Edité par Antoine Bellonne
Photos par Marine Toux

 

De gauche à droite (Carol, Thomas, Brice, Alexis F, et Alexis C).

Pourquoi le nom Biche ? Vous vouliez un nom féminin ?

Alexis F : Quelle raison on va donner aujourd’hui ? On ne s’est pas posé beaucoup de questions par rapport à ça, on a senti que c’était le nom qui planait au-dessus de nos têtes. Et donc on s’est appelé Biche.

 

Il y a plusieurs significations pour ce mot en français ?

Alexis F : Non il y en a qu’une. Enfin il y a “pied de biche” mais c’est autre chose.

Carol : Après ça peut être un surnom aussi en français. Un surnom doux et affectueux, on dit «Ma biche».

 

Doux et affectueux, c’est ce qui caractérise votre musique ?

Alexis F : On aurait tout autant pu s’appeler «pédiluve» ! C’est la petite bassine à l’entrée des piscines municipales, dans lesquelles tu plonges tes pieds pour les nettoyer.

Carol : C’est quelque chose que les gens détestent en général le pédiluve!  Ils essaient de l’éviter.

 

Pensez-vous que les gens font l’amour en écoutant vos chansons ?

Alexis C :  Oui ! On reçoit des messages de nos amis en tout cas, qui le font de temps en temps. De nos familles également. Parfois en direct ! D’ailleurs, c’est un peu gênant.

 

Avez-vous des groupies, des adolescentes de 14 ans qui hurlent vos prénoms ?

Alexis FOn n’a pas beaucoup de filles de 14 ans dans le public de Biche. Par contre, on a des groupies de 60 ans, ça arrive ça.  Cet été, au Cap-Ferret une dame nous a attendu pendant toutes nos balances! Donc on a des groupies un peu hors du commun. Elle était adorable par ailleurs.

 

Le cinéma des années 60 est-il une de vos sources d’inspiration ?

Alexis C En effet, des compositeurs de musique de films français : Jean-Claude Vannier, François de Roubaix, pas mal d’autres. Des italiens aussi.

 

Pourquoi chantez-vous uniquement en français ?

Alexis F : C’est notre langue maternelle. Il est difficile de chanter dans une langue dont on ne maîtrise pas toutes les subtilités. Le français est une très belle langue, particulièrement chantante, malgré ce qu’on pourrait penser. Pas facile à prendre en main, mais dont le phrasé est unique.

Carol : C’est une langue exigeante donc c’est un challenge de réussir à bien la faire sonner.

 

Qui écrit les paroles ?

Alexis F : Moi.

 

 Composez-vous la musique ensemble ?

Alexis F : Pour le premier album, c’est moi qui ai amené la plupart des morceaux. On les a retravaillés ensemble, pendant une semaine, avant l’enregistrement. Pour le prochain album, la dimension de groupe va vraiment prendre de l’importance.

 

 

 

Que représente la musique pour vous ?
Alexis F : C‘est le moyen d’expression que je maîtrise le mieux, dans la mesure où c’est plus simple pour moi d’exprimer une idée en musique plutôt qu’avec une phrase bien construite. La musique, c’est ce qui m’a bercé depuis tout petit, c’est ma passion.

Alexis C : Pour moi, c’est comme un exutoire. Ça transmet une énergie. Comme une médecine douce, une plante médicinale, la musique est bonne pour la santé. Que ça aille bien ou que ça aille mal.

Thomas : C’est aussi une manière de retranscrire des sentiments, des sensations, des choses qui sont impossibles à visualiser. C’est la couleur des sentiments.

Carol : C’est un moyen d’expression qui a l’originalité de pouvoir mélanger ensemble plein d’émotions et de sentiments variés. Il y a, par exemple, des morceaux tristes qui sont super dansants ou qui peuvent exprimer tout aussi bien la joie.

Brice : Je dirais que la musique est le seul art qui parvient à réunir les cinq sens. En écoutant de la musique, j’ai l’impression de pouvoir voir et toucher des choses. C’est ce qui développe le plus l’imaginaire.

 

Le nouveau numéro de Verity Journal a pour thème la masculinité. Après l’affaire Weinstein, après #Metoo, à l’heure où les combats féministes battent leur plein, que représente, pour vous, la masculinité ?

Alexis C : Je pense que dès la naissance, si tu es un garçon, on t’enferme dans une cage exiguë qu’est la virilité. On ne dira pas la même chose à un fils qu’à une fille. Un fils, on lui dira « Sois fort mon fils », tandis qu’à une fille, on dira plutôt « Sois belle ma fille ». Personnellement, je ne me sens pas enfermé dans un carcan de virilité. Je ne vais pas en salle de muscu, je vis ma vie très bien, sans avoir à prouver quoi que ce soit. Quant aux machos qui malmènent les filles, je pense que c’est un problème d’éducation à la base.

Carol : La virilité inclut souvent le fait de diminuer l’autre, il y a un rapport de force. Que ce soit les garçons envers filles ou les garçons entre eux.

Alexis C : C’est un conditionnement. Avec tous les codes que transmettent la publicité, par exemple. Dans le système, tel qu’il est aujourd’hui, la femme est un produit, c’est un bon produit pour le commerce. Quand tu grandis là-dedans, tu peux en arriver à juger les femmes bien plus que les hommes.

 

Cela change-t-il votre rapport à l’amour ?

Alexis F : Ça c’est un autre sujet. Là, en l’occurrence, on parlait des relations hommes-femmes sans nécessairement passer par le prisme de l’amour ou de la séduction. Si la séduction intervient dans tous les rapports entre les hommes et les femmes, je pense que ça fausse tout. Voir la femme uniquement comme un objet de conquête, c’est très réducteur.

 

Pensez-vous que la France, en comparaison avec d’autres pays, a du retard sur la question de l’égalité homme/femme ?

Carol : Ça dépend lesquels. Je ne sais pas si la France est si reculée par rapport aux autres. Il y a tout de même beaucoup de pays de l’Est, même l’Italie, pour les plus proches, qui ont davantage de retard.

Alexis C : En comparaison avec l’Espagne et l’Angleterre, effectivement on est derrière. Les chiffres des violences faites aux femmes en France sont choquants : Une femme battue meurt tous les deux jours, c’est énorme.

 

 Y a-t-il aujourd’hui une tendance à blâmer les femmes ?

Alexis F : L’homme qui s’auto-attribue une certaine place dans la société depuis toujours a clairement tendance à le faire oui.

Carol : Je ne pense pas que ce sont les femmes qu’on blâme en particulier. Je pense que, plus globalement, on a tendance à simplifier et à catégoriser les gens. Quand on caricature la femme, on dit que c’est une hystérique, une connasse ou une mal baisée. Quand on caricature l’homme, on dit que c’est un macho ou un pédé. Ce sont ces caricatures dont il faut se débarrasser.

 

Est-ce que vous avez l’impression que les choses se détériorent ou s’améliorent ?

Alexis F : Je pense que beaucoup plus d’hommes ont pris conscience de la situation de beaucoup de femmes au quotidien, par l’intermédiaire d’Internet et des réseaux sociaux notamment.

Carol : Après politiquement il y a très peu d’actions qui sont engagées de la part du gouvernement. Et je ne pense pas que ce soit non plus la solution qu’il y ait un durcissement de chaque catégorie, où tout doit forcément entrer en conflit. C’est plus compliqué d’exister dans la société pour une femme que d’exister pour un homme clairement, mais je pense aussi qu’il y a beaucoup de dangers dans le durcissement des rapports humains.

 

Que pensez-vous de la place des filles dans la musique ?

Alexis F : Il y a moins de filles que de garçons, je ne sais pas pourquoi.

Carol : C’est vrai mais ça évolue beaucoup. Il y a de plus en plus de groupes de filles.

Alexis C : Je ne suis pas d’accord, je ne trouve pas que ça évolue spécialement.

Carol Les journaux font des dossiers entiers sur les artistes féminines, il y a également des festivals qui leur sont consacrés.

Alexis C : Ça ne veut pas dire qu’il y a plus de groupes. A l’époque, il y avait déjà des groupes de filles, mais c’est vrai qu’elles ont davantage de visibilité aujourd’hui. Je pense, une fois de plus, que c’est lié à l’éducation. Si tu ne donnes pas d’instruments à ta fille, si tu ne lui dis pas qu’elle peut faire de la batterie, tu la conditionnes inévitablement.

Carol : Ça commence comme ça, en effet. Et c’est grâce à la visibilité qu’on donne aux groupes de filles en ce moment, qu’une fille va pouvoir se dire : « c’est possible »

Alexis F : Il y a une nuance à apporter, c’est qu’il s’agit rarement de groupes de filles à proprement parler, ce sont plutôt des chanteuses. Elles ont effectivement une visibilité accrue, par exemple Clara Luciani, Jeanne Added… néanmoins, des musiciennes qui ne sont pas chanteuses, il y en a très peu.

 

Quelles sont les artistes féminines qui vous inspirent ?

Alexis F : J’ai envie de citer Weyes Blood que j’aime beaucoup. Il y a également une chanteuse que j’admire particulièrement : Sasami. Et Laetitia Sadier.

Brice : Toutes les chanteuses jazz des années 50-60 : Billie Holiday, Nina Simone…

Alexis C : Joni Mitchell aussi, je suis vraiment totalement fan de son écriture. Les paroles et la voix. C’est une excellente compositrice.

 

Quelles sont les musiciennes contemporaines françaises que vous admirez ?

Carol : Il y a une artiste qui s’appelle Bonnie Banane, qu’on aime beaucoup.

Alexis C : Oui clairement, c’est celle qui me fait le plus kiffer.

Alexis F : Il y a Halo Maud que j’aime beaucoup.

Brice : Juliette Armanet aussi, pour faire un pont avec les questions masculin/féminin. Juliette Armanet en joue beaucoup et c’est très drôle.

Alexis C : Je suis un peu plus nuancé parce qu’il y a un peu trop de branding sur Juliette Armanet, d’après moi.

 

De quels groupes aimeriez-vous faire la première partie ? 

Tous : Stereolab !

Carol : En espérant qu’ils lisent cette interview !

 

Quel est le plus grand défi pour l’humanité, selon vous ?

Carol : Je pense qu’il faut en finir avec les lunettes à verres fantaisies. Ça peut être un bon défi !

 

On prédit un grand bouleversement pour 2020. Quels sont vos pronostics ?

Alexis C : C’est le deuxième album de Biche !

Alexis F : Le chaos ! D’où refleurira quelque chose de plus beau. On ne se dirige pas vers quelque chose de positif, en tout cas. Le monde va trop loin. J’affectionne cette théorie du chaos : un mouvement perpétuel qui va de la destruction à la renaissance. Du chaos, il ressort toujours quelque chose de nouveau, de fertile, de plus positif.

 

Si vous croisez un extraterrestre, que lui dites-vous ?

Brice : Reste pas là mon vieux, va ailleurs !

Alexis F : Non, je pense qu’il faut être optimiste ! Je l’inviterais à boire un coup. Un Ricard !

Carol : Je lui demanderais qui a tué Kennedy ! Non mais je lui poserais des questions métaphysiques, je pense. S’il est arrivé jusqu’ici c’est qu’il en sait forcément plus que nous.

Alexis C : Je l’inviterais à danser, pour voir un peu comment il bouge.

 

Comment imaginez-vous la musique extraterrestre ?

Alexis C : Pour ça, il faut attendre le deuxième album de Biche !

Alexis F J’imagine ça assez minimaliste en fait.

Alexis CUn peu comme Plantasia.

Brice : Les improvisations sur les tout premiers synthétiseurs. Les albums qui sont des plages de sons d’une heure et demie. Que d’infimes modulations de sons.

Carol : Peut-être que ça ressemble plutôt à du Aya Nakamura, on ne sait pas.

 

 Un de vos titres s’appelle Kepler Kepler, l’astrophysique vous inspire…

Alexis F : Pas spécialement. Le thème abordé c’est la lovotique. C’est-à-dire, l’amour entre robots et humains. Abordé très légèrement certes, mais c’était ça l’idée.

 

 

 

 

Le prochain concert de Biche à Paris sera le 26 février 2020 à la Maroquinerie !

 

L’album La Nuit des Perséides est en vente ici et en écoute sur toutes les plateformes numériques

 

POUR INFO: Carol joue dans le projet musicale Catastrophe. Thomas a son propre projet : Thomas Subiranin.  Selon Alexis F, « Brice en a deux autres, dont on ne connaît pas le nom ». Alexis C et Carol sont également dans un projet qu’ils considèrent comme le versant sombre de Biche et qui s’appelle Mottomoda.