L’autre côté du miroir : Louve Dubuc Babinet « Verity Journal

L’autre côté du miroir : Louve Dubuc Babinet

Chaque mois découvrez l’histoire d’une jeune femme inspirante dans L’autre côté du miroir, réalisé par Marine Toux, en collaboration avec Verity Journal. Pour le premier opus, rencontre avec la réalisatrice Louve Dubuc-Babinet, qui a réalisé son premier film Pendant que les champs brûlent à l’âge de 23 ans.

Photos et propos recueillis en juin 2018 par Marine Toux @marinetoux

 

 

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Louve Dubuc-Babinet

 

“Faire un film c’est tellement long que tu as intérêt de l’aimer ! Je l’ai écrit en 2016, il a fallu attendre 1 an et demi avant de pouvoir le tourner, puis le tournage et la post-production. Le film est terminé depuis janvier, on est en juin (2018) et il ne s’est toujours rien passé. N’étant pas quelqu’un de très patiente et aussi très angoissée… Je ne sais pas comment font les réalisateurs ? Que font-ils le reste de leur vie, à part être malheureux ? Tu es obligé de faire d’autres choses, d’avoir d’autres projets à côté, parce que juste faire ça, ça rend trop triste. Quand le tournage de mon film s’est terminé, j’ai dû faire une dépression de deux semaines, je venais de vivre l’un des meilleurs moments de ma vie ! Quand j’ai dit “Coupé” pour le dernier plan du dernier jour, c’était horrible. Je me suis dit “la prochaine fois que ça arrivera, ça sera dans deux ans”.”

 

C’est très dur tout à coup de devoir avoir des certitudes sur tout, et d’avoir l’air hyper sûre de soi alors que tu n’as aucune idée de ce que tu es en train de faire.

 

“Le tournage était génial, l’aboutissement d’un an et demi de travail, entourée de gens super pour bosser avec moi. C’était mon film, c’était moi qui décidais, j’étais dans une position incroyable. D’ailleurs, ça a été un long cheminement de me sentir légitime en tant que réalisatrice… Je l’ai écrit à 22 ans, réalisé à 23 et dans l’équipe avec laquelle je travaillais ils étaient majoritairement plus vieux que moi. Ils avaient déjà fait plusieurs films, et ils me posaient des questions auxquelles je n’avais pas de réponses. En plus, j’ai aussi un petit côté syndicaliste,  je me suis mise beaucoup de pression pour être me tenir à ce que je disais, pour ne pas les faire bosser pour rien, comme je l’ai déjà vu sur des tournages.

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Louve Dubuc-Babinet

C’est très dur tout un coup de devoir avoir des certitudes sur tout, et d’avoir l’air hyper sûre de soi alors que tu n’as aucune idée de ce que tu es en train de faire.”

 

C’est en le travaillant que m’est venue l’envie, la profonde envie du ventre, de le faire.

 

“A la base je n’avais pas écrit ce scénario avec l’idée de le réaliser. Je l’ai écrit un peu comme ça et en travaillant dessus, il est devenu un peu plus riche, je l’ai de plus en plus aimé et j’y ai mis de plus en plus de profondeur. C’est en le travaillant que m’est venue l’envie, la profonde envie du ventre, de le faire. Et puis, je n’aurais jamais pu le faire toute seule, ma productrice, l’équipe et les jurys des commissions m’ont beaucoup poussé. Je ne serais jamais allé aussi loin en me défendant toute seule et disant à tout le monde qu’il valait absolument le coup d’être fait. Mes producteurs ont cru en moi dès le début, ils m’ont aidé à me dire que ce n’était pas entièrement nul et que ça intéresserait des gens. Finalement c’est toujours la grande question, une idée nous parle et nous plaît à nous, mais est-ce que ça sera le cas pour d’autres ? J’ai eu beaucoup de chances, pour porter le projet pendant deux ans, c’est qu’il a plu à des gens et ils ne m’ont pas lâché.”

 

“Donc actuellement je suis au chômage. C’est un peu difficile, mais au moins je ne me lèves plus pour aller faire quelque chose que je n’aime pas. Avant le tournage j’ai eu du mal à lâcher mon boulot alimentaire, notamment parce que j’étais assez angoissé par le temps et la productivité. Quand tu travailles, tu as un planning, tu sais que tu travailles tels jours de la semaine, donc tu as les autres jours pour faire tes trucs. A cette époque, avoir dix jours où je n’avais rien de prévu c’était une énorme source d’angoisse pour moi. J’ai quitté mon travail au dernier moment, juste un mois avant le début du tournage, et je me suis dit que je n’y retournerai plus.

 

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Louve Dubuc-Babinet

 

Il y a des semaines où je ne fais rien et ce n’est pas grave.

 

Et puis une fois que tu n’as plus de travail, tu te dis qu’il faut absolument que tu sois productif parce que t’es une artiste, que tu dois être ambitieuse, envoyer plein de mails, être hyper active. Alors qu’en fait la créativité c’est quelque chose de spontané, tu ne peux pas te forcer à inventer quelque chose. Il faut laisser les choses venir et se dire que quoique tu fasses à côté, ça va aussi nourrir tes projets. Personnellement ça fait seulement un mois et demi que j’ai arrêté d’angoisser à ce propos. Il y a des semaines où je ne fais rien et ce n’est pas grave. Je ne vais pas me dire que c’était une journée de gâcher d’apprendre trois accords au ukulélé par exemple, parce que c’était sympa quand même.”

 

 

Le film de Louve Dubuc-Babinet, Pendant que les champs brûlent a été diffusé à la Cinémathèque Française le 22 octobre 2018 et sur Arte le 8 décembre 2018. Il a été produit par Theorem et Louve Productions, avec le soutien du CNC, d’Arte, de la Région Nouvelle-Aquitaine et du département Charente.
Sélectionné au Festival tous Courts 2018, Festival de Saint Paul-trois-chateaux 2018, 12 months film Festival 2018, Movie Screen Pro Film Festival, Muestre Internacional de Cine de Palencia, International Safe Community Film Festival of Iran et au Festival de Biarritz.
Louve travaille actuellement à l’écriture de son premier long-métrage Avant le jour, en résidence au Chalet Mauriac en Nouvelle-Aquitaine.
Vous pouvez également retrouver ses travaux sur son site www.louvedubucbabinet.com

 

Making-of du tournage de Pendant que les champs brûlent diffusé sur Arte

 

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