Interview cash : Sandra da Fonseca « Verity Journal

Interview cash : Sandra da Fonseca

On a rencontré Sandra da Fonseca, productrice de Jeune femme, de Léonor Serraille qui a reçu la Caméra d’Or au festival de Cannes 2017. Le film, qui raconte comment se structure une petite fille jusqu’à une femme enceinte, nous a bouleversé par sa narration.

 

Illustration de Justine Potin

 

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Sandra de Fonseca

 

Où as-tu grandi ?

 

J’ai grandi en banlieue parisienne, dans une famille d’origine portugaise. Nous étions les mieux lotis des mal lotis, parce que nous avions la chance de vivre dans une maison et aussi, parce que nous n’étions que 2 enfants avec mon frère. Je me suis toujours dit que ça faisait la différence, notamment pour avoir de bonnes conditions pour faire les devoirs, de l’espace et du calme, même si il n’y avait pas de culture à la maison.

Mais en ZEP j’ai trouvé tout l’enseignement que je cherchais, j’ai rencontré des professeurs incroyables qui m’ont fait découvrir des enchantements de savoir : littérature, histoire de l’art, philosophie et même le théâtre – on allait régulièrement à la Comédie Française (pour 25 francs !). C’est comme ça je me suis émancipée, c’est grâce à l’école.

Parce qu’au sein de la communauté portugaise, populaire, qui vivait en banlieue à cette époque, il y a un poids énorme du patriarcat. C’était inconcevable que cette vie là devienne la mienne. J’étais trop rebelle. Ma mère aussi à sa manière. Elle disait toujours « si tu veux être libre, travaille à l’école ! ». Le meilleur conseil qu’on puisse donner à sa fille.

 

 

Quel film a changé ta manière de voir le monde ?

 

 

Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle)” d’Arnaud Desplechin (1996). J’ai découvert ce film de presque 3h sur Arte, quand j’étais au lycée. Je l’ai enregistré sur une VHS, et il est devenu mon film de chevet, comme une obsession, le fantasme d’une vie qui n’était pas la mienne, une narration incroyablement ample, une fresque cinématographique et littéraire. Et les meilleurs du cinéma français de l’époque !

 

 

Pour parler de Jeune Femme, comment as-tu rencontré Léonor Serraille ?

 

Le scénario de Jeune Femme, c’était le travail de fin d’études à la femis de Léonor Serraille. Quand je l’ai rencontré elle préparait aussi un moyen métrage, un portrait de femme avec Nathalie Richard (qui joue la maman dans Jeune femme), Body, sélectionné notamment au Festival de Brive.

Léonor a rencontré pas mal de producteurs et productrices, et j’ai eu la chance qu’elle me choisisse pour porter son projet. Nous avons travaillé encore un peu le scénario qui était déjà très abouti, puis nous sommes entrées dans la phase de financement, puis le tournage. Au total, depuis le moment on s’est rencontrées jusqu’à la sortie du film, 4 années ce sont écoulées. Ca peut paraitre long, mais c’est un rythme tout à fait dans la moyenne du cinéma indépendant.

 

C’est une grande fierté de se dire que les femmes, on ne se démerde pas si mal.

 

 

C’était un choix conscient d’avoir une équipe féminine ?


Pas de tout ! On s’est rendu compte de la place des femmes, mais surtout des cheffes de département en faisant le dossier de presse du film, c’est-à-dire à la toute fin du processus de fabrication. Léonor a voulu retravailler avec beaucoup des membres de l’équipe de son moyen métrage Body, et il se trouve qu’il y avait beaucoup de cheffes de poste. Mais ça n’était pas du tout conscient. C’était un état de fait, des personnes avec qui Léonor souhaitait poursuivre le travail, les personnes qu’elle pensait les plus proches de son univers et les plus talentueuses. En fait, on ne devrait même plus s’étonner d’une équipe avec beaucoup de femmes.

 

 

Qu’est-ce qui a motivé votre discours féministe avant la présentation du film à Cannes ?

 

Avec Léonor, on a réfléchi à ce qui ressortait finalement de la manière dont on avait fait ce film : une économie de moyen à cause d’un financement vraiment très modeste, et aussi la question du féminin. Ce n’était pas une décision préexistante, ni un acte militant fort. C’est juste que le film s’est fait comme ça, et que c’était une grande fierté de se dire que les femmes ne se démerdent pas si mal ! même sans le sous ! Et de se dire aussi que le monde est en train de changer et que nous, nous sommes en train de le changer et de changer avec lui. Il y a 10 ans, il y avait moins de jeunes femmes dans les promos des écoles de cinéma. Aussi et par exemple, une compositrice de musique de film ça reste très rare !

 

 

Il y a pas mal de monteuses par exemple, mais pas forcément dans les autres postes. Peu de productrices françaises et encore moins des connues par le public. Il reste quand même un manque d’égalité dans les milieux créatifs. As-tu été témoin de ces inégalités entre hommes et femmes ?

 

C’est vrai qu’avec Leyla ou Léonor, quand on passe des oraux auprès de commissions pour financer les films, on sent que les binômes réalisatrice / productrice, c’est aussi une force, parce que ça reste l’exception. Donc on s’excuse pas d’être là, on assume notre choix, celui de faire des films, et nos forces et nos faiblesse, qui sont pas forcément liées à notre genre !

 

 

 

 

– Interview complète à retrouver dans le n°2 de Verity Magazine

 

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